Soutenance de thèse de Louis Rénier : "Les agri-youtubeurs. Sociologie compréhensive d’une communauté d’agriculteurs vidéastes"

Infos pratiques

La soutenance aura lieu le 15 décembre à 14h, dans la salle des actes 011 du Site Saint Charles de l’université de Montpellier Paul Valéry (rue du Professeur Henri Serre – Montpellier 34080). Elle sera suivie d'un pot dans le hall des actes.

Le nombre de places en présentiel étant limité, merci de bien vouloir indiquer à Louis votre présence à la soutenance sur place ou à distance (visioconférence).

Résumé

Cette thèse traite du phénomène des « agri-youtubeurs » : des agriculteurs qui, depuis près d’une décennie, animent des chaînes YouTube personnelles et publient chaque semaine des vidéos tournées en face caméra depuis leurs exploitations. Ces vidéos mettent en récit leurs journées de travail et rendent partageable leur vie quotidienne. Comment comprendre l’émergence et le dynamisme de ces pratiques de représentation individualisées du métier d’agriculteur ? À partir d’une ethnographie combinant enquête en ligne et hors ligne nous mettons en évidence la dimension collective de ces engagements. Formant une communauté, les agri-youtubeurs entretiennent tout au long de l’année des liens étroits, tout en interagissant avec des abonnés fidèles. Leurs pratiques d’automédiatisation font l’objet d’une définition collective, qu’il s’agisse du sens donné au geste de rendre public le travail agricole comme des modalités de sa mise en scène. Trois hypothèses sont dès lors explorées en vue de resituer ce phénomène dans l’histoire des mondes agricoles et des usages médiatiques par les groupes professionnels.

Dans notre 1ère partie, nous testons l’hypothèse d’un usage de YouTube comme moyen de réaffirmation d’une identité professionnelle agricole en crise. Une telle hypothèse s’avère particulièrement pertinente pour penser les origines du phénomène des agri-youtubeurs qui décrivent leurs débuts de vidéastes comme des « prises de parole » destinées à traiter un tort qui serait fait à l’ensemble de la profession agricole du fait du déploiement de la critique environnementale dans l’espace médiatique traditionnel. À ce titre leur engagement en ligne s’inscrit dans une tradition de contre-offensive face aux controverses entourant la modernisation agricole s’étant développée au sein du syndicalisme majoritaire.

Notre 2ème partie examine dans quelles mesures les vidéos des agri-youtubeurs relèvent d’un partage de connaissance entre pairs en contexte de changement technique. L’analyse révèle les limites de cette hypothèse : si l’adresse aux pairs tout comme la technicité de leurs vidéos tendent à gagner en importance au fil des années, leur volonté de faire génériquement valoir des modèles de culture reste mineure. Tenant à préserver une vision unifiée de la profession, mais aussi à se distinguer des figures du formateur ou du conseiller, les agri-youtubeurs évitent tout posture prescriptive en circonscrivant leur propos à une chronique située de leurs pratiques. En définitive, ce que leurs vidéos tendent à instituer n’est pas tant un modèle de culture qu’un modèle de vie : une certaine manière d’habiter le métier, de l’exercer et d’en incarner la vocation.

Notre 3ème partie propose une interprétation de la relation entre les agri-youtubeurs et leurs abonnés à partir de l’anthropologie du don de Marcel Mauss. Par-delà l’asymétrie qui caractérise cette relation, cette perspective permet de restituer le sens du processus par lequel, au fil des années, les agri-youtubeurs s’engagent dans une mise en commun toujours plus totale de leur métier et de leur vie, en restitution de l’attention donnée par leurs communautés d’abonnés, qui s’avèrent toujours plus fidèles, sollicitants et reconnaissants à leur égard. Ces résultats confirment une troisième hypothèse, celle de YouTube comme espace de renouvellement des sociabilités rurales dans un contexte d’individualisation du travail en agriculture.

Membres du jury

• M. Jean-Samuel BEUSCART – Rapporteur – Sociologue, Professeur des universités, Sciences Po Paris.
• Mme Aurélie CARDONA – Co-directrice de thèse – Sociologue, Chargée de recherche, INRAE.
• M. Claude COMPAGNONE – Examinateur – Sociologue, Professeur à l’Institut Agro Dijon.
• M. Frédéric GOULET – Directeur de thèse – Sociologue, chercheur HDR, CIRAD.
• Mme. Nathalie JOLY – Examinatrice – Sociologue, Maîtresse de conférences à l’Institut Agro Dijon.
• M. Cyril LEMIEUX – Rapporteur – Sociologue, Directeur d’études, EHESS.

Voir aussi

Rénier L., Cardona A., Goulet F., Ollivier G. (2022). La proximité à distance. Comment les agri-youtubeurs communiquent sur leurs pratiques. Réseaux : communication, technologie, société, 2022/1 (231) : 225-257.  https://dx.doi.org/10.3917/res.231.0225.  
Rénier L (2022). « Pourquoi je protège mon blé ». Études rurales, 2022, 209, pp.106-127. ⟨10.4000/etudesrurales.28412⟩